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Ça Pétille : La Tuerie

La tuerie est une BD coup de poing, un thriller social excitant et questionnant. L’album qui n’a rien d’un conte de fée s’adresse à un public averti. Il est scénarisé par Laurent Galandon, illustré par Nicolas Otero, édité par Les Arènes BD et magnifiquement introduit par l’humoriste Guillaume Meurice, militant notoire de la cause animale.

L’auteur nous propose une plongée dans le monde de la viande, un univers pétri de violence qui reste mystérieux et secret avec une enquête passionnante menée par un ex-taulard déterminé à éclaircir par tous les moyens la mort de son frère. L’histoire se déroule dans un village dont le maire est aussi directeur de l’abattoir. Il y a une évidente dimension politique et les enjeux économiques sous-jacents sont judicieusement évoqués.

Laurent Galandon met en lumière les conditions de travail éprouvantes auxquelles les ouvriers du secteur sont confrontés. Leurs organismes s’abîment rapidement, ils ont du mal à surmonter les cadences infernales et pour certains un corps à corps permanent avec les bêtes.

Il établit un parallèle piquant avec la souffrance animale, un sujet délicat dont on parle régulièrement à l’occasion de scandales vite étouffés.

Le récit particulièrement propice à une adaptation cinématographique est assez addictif.

Sa structure est riche et les personnages loin d’être manichéens. Le scénariste nous pousse subtilement à nous interroger sur nos modes de consommation. Il dénonce l’hypocrisie sociétal et plus globalement des clients désireux d’avoir des produits de qualité à moindre coût tout en étant peu regardants sur la façon dont la viande arrive dans les assiettes.

La lecture commence par une couverture séduisante et décalée avec sa gravure fameuse issue de l’iconographie bouchère, sa couleur délicieuse et son petit pelliculage tout doux. Elle est toutefois assez déroutante. Avec son titre fort, une thématique glaçante et un dessin percutant le lecteur est saisi dès les premières planches.

Après une rapide visite et des recherches sur le net, Nicolas Otéro est parvenu à s’imprégner de la thématique. Sa technique traditionnelle restitue efficacement toute la brutalité. Avec une ingénieuse mise en scène et des jeux de regards habiles, il apporte beaucoup d’émotion et d’humanisme à un one shot qui prend rapidement aux tripes. 1ver2anes a choisi des couleurs vives pour les scènes violentes qui tranchent avec d’autres ternes ou désaturées utilisées pour le reste de la narration, un parti pris judicieux qui accentue le rendu insoutenable de certaines scènes.

La tuerie est bien plus qu’une bande dessinée. Ses créateurs parviennent à traiter un sujet d’actualité par la fiction et c’est une réussite. Ils ont su imaginer un angle d’attaque pertinent et une illustration redoutable pour évoquer un sujet tabou. Ils nous bousculent complètement tout en alimentant le débat d’une bien belle manière.

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