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Ca pétille : Les Tuniques Bleues Tome 65 - L'envoyé Spécial

Avec L’envoyé spécial, le soixante cinquième volet des Tuniques Bleues, les BeKa et José Luis Munuera redonnent de belles couleurs et un sérieux coup de jeune à un monument de la BD franco-belge classique imaginé par Cauvin et illustré tour à tour par Salverius puis Lambil.

Ils devancent de quelques mois un ultime volet scénarisé par son créateur et illustré par Lambil qui sera sans doute émouvant car il ponctuera une longue et magnifique collaboration.

Bertrand Escaich et Caroline Roque alias BeKa et l’impertinent et incisif José Luis Munuera ont trouvé d’emblée le ton juste pour relancer une saga anti-militariste et humoristique culte.

Avec ce nouvel opus, ils ont trouvé un angle d’attaque pertinent avec le britannique William Howard Russel, un journaliste aujourd’hui considéré comme le premier correspondant de guerre de l’Histoire. L’homme était un voyageur ingénieux et engagé qui fut missionné par le Times de Londres pour couvrir la guerre de Sécession.

Les scénaristes ont imaginé ses aventures en Amérique loin d’une Angleterre où il avait déjà fait sensation.

Comme le photographe Robert Capa, il aimait être au plus près des champs de bataille afin de restituer les faits le plus fidèlement possible. On observe assez rapidement que la vérité dont il se veut le garant dérange ce qui est le point de départ d’une intrigue et d’une réflexion que les auteurs développent subtilement. Ils exploitent une thématique sensible qui résonne particulièrement à un moment où l’on souhaite hâtivement museler les journalistes sous couvert de lois liberticides.

Comme leurs prédécesseurs, ils dénoncent les atrocités inhérentes au conflit et ils le font avec finesse. Ils nous entraînent au cœur de sanglants combats mais aussi au sein d’une population civile innocente et à la merci d’authentiques drames. La présence dans l’aventure de Daisy apporte à la narration une autre dimension et beaucoup d’intérêt.

Bien sûr, le sergent Chesterfield est le relais d’une propagande savamment distillée tandis que son compagnon a des propos justes et éclairés. Le duo comique fonctionne toujours, leur ambivalence est parfaitement restituée et les personnages récurrents sont aussi bien présents mais modernisés par un dessinateur très inspiré.

La prestation graphique de José Luis Munuera est une pure merveille. L’artiste espagnol fait preuve d’une audace folle et c’est la très bonne surprise de l’opus. Il propose un découpage qui bouleverse le format classique, s’autorise des apartés, des panoramiques et même une double page somptueuse au milieu du récit. Il apporte un dessin caricatural fin et léger du plus bel effet et du rythme enfin !

Il impose sa marque, des illustrations percutantes, dynamiques, dans la continuité mais avec un truc en plus qui redonne furieusement envie de se replonger dans une série que seuls les nostalgiques et les acheteurs compulsifs continuaient de suivre. (Je sais de quoi je parle)

Les couleurs de Sedyas constituent l’autre électrochoc. Elles apportent de l’éclat aux planches tout en suscitant des ambiances immersives, plaisantes qui facilitent la lecture et nous embarquent efficacement.

L’envoyé spécial est une bonne surprise. Avec ce casting de qualité les éditions Dupuis se donnent les moyens de relancer convenablement une série mythique.

Même si ce premier scénario est très actuel, honnête et un peu timide il est magistralement mis en cases par un bédéiste au sommet de son art qui ose des choses intéressantes et novatrices. Il apporte du souffle et un trait culotté, ambitieux extrêmement prometteur qui laisse présager le meilleur et nous incite vivement à repartir à la charge dans de nouvelles aventures.

 

«prec suiv»