Il est intitulé Les derniers jours de Robert Johnson, et est réalisé par Frantz Duchazeau.
C’est un livre que le bédéiste a décidé d’entreprendre lorsqu’une troisième photo de l’artiste est apparue en 2020, au moment ou une biographie coécrite par sa demi-sœur fut annoncée. Après la sidération, le projet a mûri et c’est naturellement qu’il s’est intéressé aux autres clichés puis aux livres dédiés et notamment au cultissime Et le diable a surgi – La vraie vie de Robert Johnson de Bruce Conforth et Gayle Dean Wardlow.
Á la différence d’autres œuvres comme le magistral Love in vain de Mezzo et Jean-Michel Dupont, Frantz Duchazeau a fait le choix de réaliser un portrait moins iconique, de laisser le mythe de côté pour se concentrer sur quelque chose de palpable, le bref passage sur cette terre d’un homme qui, après un oubli relatif, a ressurgi du passé pour devenir incontournable.
Dans cet opus sublime, il n’est pas question d’une hypothétique entrevue avec le diable mais plutôt des pérégrinations d’un personnage désireux de sortir de la misère et des champs de coton.
Le scénariste nous conte les péripéties d’un vagabond avec une guitare, un chanteur américain qui passait sa vie sur les routes pour courir les cachets, manger, survivre et qui la terminera dans des conditions funestes, à 27 ans, probablement empoisonné dans un juke point par un mari jaloux.
Il nous permet ici d’appréhender les étapes essentielles de la vie du guitariste, le décès de sa femme, de son fils et les rencontres décisives. Il met en lumière ses addictions, l’alcool de mauvaise qualité et les femmes. On découvre une existence menée tambour battant avec son cortège de malheurs, la vie d’un fugitif en permanence menacé par ses compatriotes de couleur et par le racisme omniprésent. C’est le périple d’un être qui voulait inconsciemment s’épanouir artistiquement et s’extraire de la routine.
Doué pour l’harmonica mais dans un premier temps piètre guitariste, il a appris les rudiments de l’ instrument auprès de Ike Zimmerman, son mentor. Il s’est beaucoup entraîné, jusqu’à atteindre un niveau exceptionnel et c’est avec brio qu’il est revenu en conquérant dans des endroits qui ne voulaient plus de lui.
Deux ans et demi furent nécessaires pour produire ce magnifique ouvrage, ce biopic époustouflant. Frantz Duchazeau nous présente avec une narration non linéaire un parcours jalonné de souffrances, mais également une plongée délicieuse dans l’Amérique des années 30. Il reproduit magnifiquement son génie graphique, sa finesse et son raffinement qui dépassa largement ses frontières.
Il donne vie à un divertissement savoureux, un road trip un peu désespéré dans lequel on peut admirer un dessin hyper travaillé, fluide et un encrage traditionnel à la plume absolument fabuleux.
Son découpage simple est d’une efficacité redoutable.
L’album a bénéficié d’un travail éditorial de très haute volée.
Que vous soyez passionnés de blues ou de jazz ou amateur de belles choses, ne passez pas à coté de cette superbe BD éditée par Sarbacane. Elle nous permet de rencontrer un personnage brillant, maudit et déterminé mais également de ressentir le frisson d’une époque terrifiante et pourtant indiscutablement marquée par un souffle créatif un peu magique.
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