Il a été adapté en roman graphique par deux artistes américains reconnus internationalement Joe Sutphin et James Sturm. Pour ce travail, ils ont été logiquement récompensés en 2024 par le prix Eisner.

C’est une aventure intemporelle et captivante à la fois sombre, touchante, émouvante et addictive. Elle associe les qualités de conteur de son créateur à son amour de la nature,

Des lapins ont pris en considération l’effroyable prédiction de Fyveer, un jeune congénère qui a annoncé la destruction imminente de sa garenne. Après que son frère Hazel ait tenté en vain de convaincre leur maître lapin de la nécessité de fuir, il est parti avec une petite troupe dans l’espoir de trouver un nouveau foyer, un espace paisible et sécurisé. Ils sont parvenus à échapper de justesse à la Hourda, la caste militaire de la Garenne.

Sur leur chemin, ils firent des rencontres surprenantes et furent confrontés à de multiples périls (corbeau, chien, chat, blaireau, homme, renard, rats).

Ce récit de survie chapitré raconte l’exil, l’errance de lapins en quête de terres hospitalières. Lors de leur périple, ils connaîtront le totalitarisme, le mensonge et la manipulation. Certains esprits affûtés pourraient y voir des clins d’œil à la vie politique et ils n’auront sans doute pas tort même si l’écrivain à réfuté cette ambition. C’est une lecture cruelle, impitoyable qui malgré son format généreux (368 pages s’il vous plaît) se dévore d’une traite. L’homme de lettres a élaboré un glossaire astucieux avec des expressions étonnantes.

Les bédéistes se sont rendus sur les terres sur lesquelles l’action se déroule. Ils ont retracé le parcours accompli jadis par Richard Adams lors de l’écriture de l’ouvrage. Ils ont foulé le sol et vu de leurs propres yeux les collines et les vallons. Ils se sont entendus pour réaliser un livre qui restitue le côté classique, sobre, rigoureux mais également extrêmement lisible pour un public varié et pas forcément adepte de récits animaliers. On oscille entre différents genres littéraires l’ album jeunesse, le comics et le livre d’illustrations. L’objet a des allures de grimoire élégant, il constitue une porte d’entrée magnifique vers un monde sous-terrain ou au raz du sol forcément intrigant et mystérieux.

Si James Sturm qui est un pionnier de la bande dessinée indépendante organise les séquences avec panache, Joe Sutphin n’est pas en reste. Sa technique traditionnelle est incroyable et son encrage majestueux. Il croque des bêtes expressives et singulières et dévoile un savoir-faire bluffant. Son dessin naturaliste est somptueux, le trait est délicat, vif et précis. Chaque animal, brin d’herbe, décor est reproduit avec adresse. L’alternance de couleurs est saisissante et nous embarque inéluctablement.

Cette version BD publiée par Monsieur Toussaint Louverture interpelle par sa qualité. L’éditeur a exécuté un travail d’orfèvre. La couverture scintille de mille feux, le papier judicieusement choisi rappelle les jolis ouvrages d’antan. Le lettrage est fait à la main. L’objet transpire le raffinement et l’amour du travail bien fait.

Watership down est une histoire de fantasy animalière dépaysante, irrésistible et splendide. Cette BD réalisée par deux experts au sommet de leur art est aussi convaincante sur le fond que sur la forme. C’est une réussite totale.

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