C’est un épais one shot édité par Dargaud qui se distingue par une couverture jaune pétante qu’il est difficile de ne pas repérer sur les étals de vos libraires. Sur celle-ci un homme au cheveux blonds à l’air grave qui se regarde dans le miroir accompagnée d’une belle endormie. Il porte les stigmates d’une vie hors normes caractérisée par des objets habilement positionnés, des tatouages et cicatrices , autant d’indices habilement disposés.
La BD est une rétrospective bien ficelé d’un destin atypique, un parcours qui colle à une époque marquée par l’émergence du punk français, le terrifiant essor de la drogue et les ravages causés par le sida.
C’est une aventure humaine singulière qui fascine autant qu’elle suscite un sentiment de gâchis. On y perçoit l’euphorie suscitée par la jeunesse et la maturité qui fait suite à l’instinct de vie primaire.
Son héros, chanteur des Camera Silens s’est illustré dans la musique avant de sombrer dans la drogue, la petite délinquance puis le grand banditisme. Pour payer son addiction, il en viendra à préparer un casse, une attaque à main armée retentissante et juteuse qui ne lui laissera d’autre choix que celui de la cavale qu’il mènera d’abord en Espagne puis au Portugal où pendant près de 10 ans, il sera disquaire avant de devenir barman à Barcelone. Après une longue clandestinité, des années à se battre contre le sida, il optera finalement pour la reddition, et retournera en France, prêt à payer sa dette espérant, un jour, profiter de la vie familiale sereine auquel il aspire.
Dans ce récit, on perçoit parfaitement la force de caractère la résilience, le courage et l’amour qui guident l’ex musicien.
Comme dans l’excellent Face au mur de Laurent Astier, ou le très bon Calle Málaga de Mark Eacersall et James Blondel, on saisit la détresse de l’homme traqué, les sacrifices nécessaires pour préserver une existence secrète. On entend la préoccupation permanente et l’amour entre les personnages qui poussent à la survie.
C’ est un livre qui ne peut laisser insensible ceux qui ont traversé les années 80. Il s’appréhende lentement et nous colle une furieuse envie de découvrir les images d’archives, docus et podcasts qui relatent l’affaire. On se prend facilement au jeu et on dévore l’opus d’une traite.
Côté dessin, le lecteur est irrésistiblement attiré par des choix graphiques pertinents, par les gravures entre les chapitres, les décors travaillés, l’aspect vintage ultra-séduisant et son tramage percutant.
Les scènes de concerts sont habitées, ultra crédibles et les images de défonce impitoyables. Le découpage est varié et inventif.
Les héros du peuple sont immortels : La cavale de Gilles Bertin, c’est un polar passionnant, un témoignage sur une période marquante, 30 années de fuite, un cheminement époustouflant, jalonné d’obstacles et de petites victoires qui nous touche à tous les coups.
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