C’est un diptyque culotté, musclé, décomplexé qui nous happe dès la première planche et nous embarque dans une aventure haletante, excitante et délicieusement immorale.
Dans une première partie de diptyque intitulée L’être nécessaire, les associés plantent le décor avec efficacité, l’amorce est imparable, des mots, des images puis une ouverture théâtrale, le début d’une fuite, d’une cavale. C’est le moment pour un tueur froid, calculateur de disparaître après un crime sanglant. Notre héros semble avoir trouvé la couverture parfaite, il revêt pour un temps la soutane et s’apprête à aller prêcher la bonne parole dans un petit village, Saint Claude, où il est attendu et plutôt bien accueilli. Avec des méthodes peu orthodoxes mais rudement énergiques et fructueuses il ira de l’avant transformant les vies des gens dont il croisera la route. L’homme qui n’a visiblement rien d’un samaritain est un criminel recherché, il réalise au fil du temps que ce nouveau statut d’homme d’église lui confère du crédit et pas mal de respect, un nouveau rôle dont il compte bien profiter même si ses jours de tranquillité semblent comptés.
Les deux bédéistes démarrent ici un thriller énergique dans lequel les événements s’enchaînent avec maestria. Nous n’avons pas affaire à des débutants. On avance dans la narration avec enthousiasme. Le personnage principal est bien façonné, il se dévoile peu à peu. Son charisme, son aplomb, sa hardiesse, son audace, son instinct font de lui un acteur attachant et imprévisible. On ne ressent pas de l’empathie mais un réel plaisir à le voir évoluer dans ce divertissement. On est dans un polar, il y a de vrais méchants, ça flingue, ça saigne, on adore ça. La mafia respecte les codes, la traque s’organise, le danger est partout.
Les dialogues sont aiguisés et l’humour toujours subtil. Il est noir parfois, irrésistible toujours. C’est un régal de suivre la voix off de notre tueur Lucien et ses réflexions cyniques et fines.
Côté technique, Sylvain Vallée met en place un découpage classique avec pas mal de cases panoramiques offrant un rendu cinématographique extrêmement lisible et clair. Afin de mieux nous immerger dans cette fiction, il varie astucieusement les cadrages et la couleur des cernes qui bordent les planches. Les décors sont travaillés et la neige enveloppante constitue un élément à part entière. Elle sied à une dure réalité et à un bandit à la fois solitaire, glacial et déterminé.
Comme dans la trilogie Katanga ou le one-shot Tananarive le dessinateur compose des personnages aux allures et tronches singulières.
Les couleurs d’ Elvire DeCock sont toujours justes. Elles apportent une plus-value non négligeable à la BD avec des ambiances succulentes qui complètent avantageusement la mise en scène.
Avec ce premier volet qui constitue une entrée en matière exquise voire divine, les auteurs frappent fort et imposent d’emblée leur création dans les meilleures ventes ce qui est amplement mérité. Vivement la suite et la fin en octobre !
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